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Quand Skorecki filme son départ, ça déménage !

Louis Skorecki dans une salle du Rex

Vingt-cinq années à travailler pour le quotidien Libération. Et un départ volontaire. Amer. “Le problème, c’est pas la reprise du journal par Rothschild, qui était de toute façon le seul à pouvoir sauver le titre, c’est le fait qu’il ait placé Laurent Joffrin à sa tête. Lui, je ne l’aime pas.”

Louis Skorecki, journaliste spécialisé dans le 7e art, est à Brive pour le festival du cinéma. Demain, à 17h, il présentera son film “Skorecki déménage” au public.

Louis SkoreckiLe film de l’intransigeant Skorecki est un document. “Le thème, c’est à vous, qui avez vu le film, de le déterminer. Moi, je n’en sais rien”, répond-il sobrement. La question? “Ce document parle-t-il de Libération, de la crise vécue par la presse écrite ou de vous?”. Peut-être Skorecki déménage parle-t-il de tout ça à la fois. Reste que le thème principal, même s’il s’en défend, est bel et bien lui, Louis Skorecki, ce qu’il est, ou, au bas mot, ce qu’il choisit d’être ou de montrer lorsqu’il est devant la caméra. Il n’est en effet pas anodin de choisir de se faire filmer au sein même de la rédaction.

On y voit Skorecki titillant malicieusement ses collègues sur les déménagements internes (“Tu sais à côté de qui tu vas être dans ton nouveau bureau?”) ou en empêcheur de tourner en rond un tantinet provocateur au cœur d’une réunion de rédaction. Les têtes pensantes du journal sont alors prises à partie par Skorecki le révolté, et tous font bloc pour le rejeter, sans ménagement, à grands coups d’éclats de voix. Le sieur Joffrin en personne finira par se dresser, menaçant de sortir lui même, manu militari, l’élément perturbateur.

Louis Skorecki est arrivé aujourd'hui à BriveEt perturbateur, Louis Skorecki l’est. Et le revendique. “A Libé, j’étais celui qui luttait. Je collais des affiches contre les rédacteurs en chef quand je l’estimais nécessaire, etc. Et j’ai découvert que, même à Libé, l’esprit de délation existait. Par exemple, dès que je touchais un ordinateur, y’avait toujours quelqu’un pour alerter les supérieurs. Et on m’envoyait quelqu’un pour me virer.”

Dans son film, Louis Skorecki se pose en victime d’une machine interne grippée par “la lâcheté de certains journalistes acceptant la situation” et par “le non-projet de Joffrin”. Malgré ce document à charge contre ce qu’est devenu Libération au fil des ans, Skorecki dit “ne pas vouloir régler des comptes, mais simplement apporter un témoignage.” Mauvaise foi? Lui seul le sait. Tourné en quelques jours et monté tout aussi rapidement, Skorecki déménage n’en est pas moins un pavé jeté aux visages des décideurs de Libé. Et des décideurs en général. Car, au delà du cas Skorecki et de la sauce interne au journal, le film montre, tout simplement, un révolté. Un être qui se bat contre les puissants. Et qui sait sans doute, dès le début du combat, que c’est peine perdue.

Après la 1ère projection de son film, Louis Skorecki a échangé de manière informelle avec des jeunesRevenons aux images projetées. Lorsque Skorecki fait ses cartons, d’abord pour passer d’un bureau à un autre (un déménagement contraint, un mois seulement avant son départ!) puis pour quitter définitivement le canard, le “héros” joue d’auto-dérision parfois, d’émotion beaucoup. Avec pudeur certes, mais sans chercher à cacher la difficulté de quitter un job auquel il a tant donné pendant tant d’années.

Les cartons fermés pour de bon dans les bras, le journaliste, aidé par un ami, voit son ultime parcours vers la sortie contrarié par un ascenseur qui se fermera devant lui. Skorecki forcera le passage. Dans le parking, sa voiture semble alors enfermée entre deux autres véhicules. Ce n’est qu’au terme de nombreuses et délicates manœuvres que la voiture pourra être dégagée. Skorecki part enfin. Une libération?

Demain à 17h, Louis Skorecki échangera avec le public autour de son film

Olivier SOULIÉ

Olivier SOULIÉ

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