L'actualité en continu du pays de Brive


Le slam du poète

Ghetto R'1Bo

Ecoute, c’est la voix du poète. Nous sommes tous enfermés dans nos putains de ghettos. C’est pour ça que j’ai choisi ce putain de pseudo, déclame le slameur briviste, en alexandrins, d’où cet allégorique R’1Bo (prononcez Rimbaud). Ghetto R’1Bo, son nom d’artiste entre galère et poésie, vient de mettre textes et voix en fusion avec le groupe electro Akufene Xpérien-z, le temps d’un feat et pourquoi pas plus. Portrait en extraits.



J’vais pas te prétendre que je distille de la bonne humeur. Dreadlocks, turban et lunettes noires… un look trompeur! Car sous ses airs de rasta nonchalant, Ghetto R’1Bo vibre slam, d’une poésie incisive. C’est de la poésie romantique que t’écoute à l’étroit dans une favela. (Hier encore) Il navigue ainsi dans le circuit slam depuis 2006, d’abord avec un gros collectif parisien, Le cercle des slameurs underground. Il a aussi animé des émissions radio, monté avec le centre Georges Pompidou un opéra slam aquatique, si si!, encadré des jeunes, milité un peu… Je compose des slams dans lesquels ma rage fait office de venin.Ghetto R'1bo (Intro au chant des kamikazes) Jusqu’à ce qu’un peu trop gagné à son goût par une médiatisation policée, il préfère prendre du recul. “Peut-être que j’y tomberai, mais c’était pas le moment. J’ai encore des choses à balancer qui sont pas censées plaire à tout le monde.” Elles sont en nous ces saloperies. La convoitise et la connerie sont devenues nos égéries.

Aujourd’hui Briviste, l’artiste travaille ses textes loin du vedettariat parisien. “Je suis venu épouser une fille de la région et je suis resté.” Pas trop à l’écart des milieux porteurs? “Pour moi, quand on est artiste, il n’y a pas de distance. Le courant est autour de toi. L’actualité est pour tout le monde la même en France et puis, je n’ai pas coupé tous les ponts avec Paris.” Alexandrins de chiens pour matins miliciens. Bienvenue dans mon univers slam. Dans une France où tout fout le camp, le souvenir de nos défunts ne vaut que lorsqu’ils ne sont pas encore éteints. (Hier encore)

C’est mon slam et c’est mon âme. C’est du ghetto R’1bo et c’est juste avec les mots. (…) En écrivant c’est ma douleur qui se propage comme un mirage. (Mon slam) Brive, c’est aussi cette rencontre fortuite en janvier dernier avec le groupe Akufene dans les locaux des Treize arches. De ce coup de foudre est déjà né à Naves un concert original et surprenant à base de slams nourris d’electro. “Voir un violon sur scène, ça tient au respect. Je suis féru d’instruments classiques”, avoue-t-il. Ses slams métissent les genres, reggae, hip hop, classique… “Pas de ghetto mental ni musical, surtout pas.” Un univers particulier qui pourrait même se concrétiser bientôt avec une boîte de prod, mais chut! Mon slam méticuleux n’opte plus pour le moi je. Mon slam puise sa mélopée dans les taudis de notre vie

Attaché à l’essence même du slam, le poète veut se faire connaître sans pour autant se compromettre. Un subtil équilibre à trouver. “Le underground, c’est bien, mais si t’es trop souterrain ton message ne passe pas non plus. Myspace est une bonne jauge et ce que je fais tourne bien.” Mon slam ne se laisse pas égarer par l’opinion d’autrui. Je le clame librement et mon avis est réfléchi. Il respecte celui qui modèle la réalité même banale. L’adulation des masques n’a rien d’érudit. Il laisse à la pensée le temps de se faire une idée. C’est une allumette au bout d’un litre d’essence.

doigt pointéEn passe, à l’époque, de devenir pro, Ghetto R’1Bo avoue d’ailleurs avoir “pété les plombs”. “J’avais l’impression de perdre mes valeurs. Pendant un an, j’ai fait silence radio et écrit un album indépendant: Des larmes de grenaille. J’ai quitté tout ce qui était lumière, les émissions.” Chacun dans son ghetto, les miens avec les miens, les tiens avec les tiens, les chiens avec les chiens. Et ça va finir comment tout ça? (Kriminel koncept) Puis il refait quelques scènes et tient pendant un l’Opus café, une institution pour les concerts! “A la fin, sur mes scènes, je prenais très peu de slam pur mais je demandais que les gens aient un français irréprochable. Je soutiens la langue française à 200%. C’est ça le slam, déterrer aussi des vieux mots qu’on n’utilise plus. Pour faire le buzz, j’allais chercher des gens de banlieue, qui avaient des looks, des dégaines.” Un peu le culte de la contre image au service du message.

Pour le moment, le verbe fait mal à l’encéphale. Et tu le sais, vu que je slame entre la morgue et l’hôpital. Ouais, en attendant le nouvel ordre mondial. Méfie-toi des codes barre et des puces électroniques. Méfie-toi et ne te fie plus à leur cabale médiatique. (Au chant des kamikazes) “J’ai appris beaucoup dans la nuit parisienne. Pas en m’éclatant mais en marchant. On sent la misère.” J’ai vu la pauvreté se pavoisait dans le pays des droits de l’homme. J’ai vu le jougs tuer le jour. (C’est chacun pour soit) Au gré de sa vie, le contestataire puise son inspiration dans la lecture, l’écoute des autres, de soi, de son histoire.

Pas de lumière dans mes textes car là d’où je viens, du genre humain il ne reste que les chiens. (Intro du chant des kamikazes) “J’ai pas une histoire facile”, avoue l’artiste de 37 ans. “On aurait pu te dire que toutes les roses se fanent et perdent leurs pétales. (Te dire) La vie m’a mis des gifles. Elle n’attend pas que tu sois dans le bonheur où le malheur pour te mettre des claques qui te feront réfléchir ou reprendre ta plume d’une autre manière. Je ne demande pas à être un Johnny Halliday, avec tout le respect que je lui dois, mais au moins d’avoir un toitGhetto R'1bo où mettre les miens en sécurité.” Quitte peut-être à y perdre de sa flamme. “J’ai encore la rage car je ne suis pas encore bien installé”, plaisante-t-il. Une rage profonde, des cris de colère contre toutes les inégalités: le manque de logement, l’exclusion… “La bêtise de ce qu’on est devenu. On en est au stade où les gens dans la rue, t’en as rien à faire, tu leur marches par dessus, c’est tout juste si tu leur craches pas dessus. C’est hyper hard core mais ça fait partie du décor.” J’ai vu la pauvreté se pavoisait dans le pays des droits de l’homme. J’ai vu le jougs tuer le jour. (C’est chacun pour soit). Une rage qui vient de très loin. “De ma jeunesse. J’ai vu le racisme au sein de ma propre famille. Ça m’a peut-être fait vriller. J’ai eu des galères. J’ai pas toujours dormi dans des appartements. J’ai fait la manche, j’ai été à la place du clochard. J’ai vu l’autre côté… Et cette rage là, elle restera à vie.”

On aurait pu te dire que nos cris finissaient par s’étouffer dans nos douleurs… On aurait pu te dire qu’à la place des couleurs nous avions tous un cœur. Que nous étions tous frères et que nous étions tous sœurs. On aurait pu te dire que les uns n’avanceraient pas sans les autres. On aurait pu te dire mais on n’a jamais cessé de nous mentir (Te dire)

Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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