A la lumière d’une centaine de bougies, le public qui a déferlé au théâtre hier soir, sans laisser un fauteuil de libre, a redécouvert la valeur du vrai divertissement en assistant à une mise en scène baroque des Femmes savantes de Molière. L’odeur du crotin mise à part, on se serait cru à s’y méprendre avec la lumière, les costumes, les maquillages et la diction, à une représentation tout droit sortie du XVIIe siècle. Un spectacle qui émerveille. Une expérience à nulle autre pareille.

Ce soir, à 20h30, au théâtre, ils rallument les bougies et il reste encore quelques places paraît-il… Infos et réservations: les Treize arches: 05.55.24.62.22.

Dans la vaste bibliothèque de peinture dorée qui va tenir lieu d’unique décor, entrent des personnages haut en couleurs, les visages joyeusement fardés, les costumes voluptueux et volumineux, les coiffures de ces dames aussi haut perchées que les souliers de ces hommes. Soudain, les attitudes se dévoilent et les langues se délient. Quels sont ces gestes apprêtés et caricaturaux? Pourquoi ces comédiens demeurent-ils face au public? Et quelles sont ces voix puissantes harnachées d’un drôle d’accent qui marque haut et fort tous les pluriels ? C’est cette expérience baroque et singulière qu’a offert hier soir la représentation des Femmes savantes de Molière.

D’abord, l’esprit se concentre, peu habitué à de telles codifications. Il se raidit sur la prononciation. Ô misère, que c’est compliqué et peu naturel. Mais sans y prendre garde, le tourbillon des vers, des couleurs, des matières et des fards emportent les cœurs dans les mésaventures d’une famille plutôt cocasse. L’annonce d’un mariage entre la cadette Henriette et le beau Clitandre résonne comme un coup de tonnerre qui vient chambouler les plans établis par les uns et les autres.

“Les règles très strictes du jeu baroque peuvent rendre le spectacle très ennuyeux”, prévient le metteur en scène Jean-Denis Monory avant la représentation. “Si ce n’est pas vécu, mais juste esthétisant, ça n’a pas de sens”, estime-t-il. Ce spectacle, le public l’a bel et bien vécu. Riant souvent, et fort. Applaudissant même pour signifier son plaisir. Il faut dire que sur scène, les comédiens ne s’économisent pas.

“Le plus dur est que le jeu paraisse naturel”, poursuit Jean-Denis Monory. C’était loin d’être gagné d’avance. Mais l’immense travail d’apprentissage du texte, de mise en scène, les heures et les heures de répétitions qu’on devine mais ne distingue plus, ont eu raison de cette affaire et ont emmené très haut les cœurs et les rires portés par la douce folie de la tante Bélise, particulièrement savoureuse. Sans parler du jeu hilarant de Chrysale, le père, mi Chaplin, mi De Funès. Lui dont la vieillesse s’effarouche d’abord de l’autorité volée par sa femme et qui ne pipe mot aux galimatias littéraires de celle-ci. Mais, porté par Martine, la servante qui soutiendra que “la poule ne doit point chanter devant le coq”, Chrysale va se tailler une crête qui imposera le respect, tiendra le spectateur en haleine et en rires jusqu’à la fin d’un spectacle long de deux heures, mais pourtant si court qui a illuminé de mille bougies le théâtre et les yeux des spectateurs.

• Catégorie d'article
• Culture