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De la douceur sur la paille

Le vin paillé, vous connaissez ? Ce vin concentré, un peu sucré, est obtenu par une méthode de séchage. En Corrèze, une vingtaine de producteurs, rassemblés autour de Beaulieu-sur-Dordogne, en ont relancé l’exploitation il y a une petite dizaine d’années. Le nouveau millésime se révèle plein de promesses.

Il se décline en deux couleurs. L’un a la robe rouge et laisse s’envoler “des senteurs de confitures de fruits rouges légèrement caramélisées. L’autre couleur paille associe des notes d’agrumes, de coing et de miel. Ces deux nectars peuvent se savourer à l’apéritif. Le blanc, issu de cépages Chardonnay, Sauvignon et Sémillon, se marie également bien avec le foie gras et les fromages forts. Le rouge provenant de cépages Cabernet-Franc, Cabernet-Sauvignon ou Merlot, convient aux desserts, particulièrement avec le chocolat.

“C’est notre sixième cuvée depuis que nous avons relancé en 1999 la production qui avait été quasi abandonnée”, explique Jean Mage, président du Syndicat viticole du vin paillé de la Corrèze. La surface en production est ainsi passée de 2,5 hectares à 21,4 hectares en 2006. “Au début nous avons fait quelques erreurs… que nous avons vite oubliées d’ailleurs. Nous avons abandonné les cépages hybrides étrangers pour n’utiliser que des cépages français. On s’améliore. Cette année, on peut être content: le résultat est bon. Notre vin est aujourd’hui plus homogène. Mais nous ne voulons pas qu’il soit uniforme. Les producteurs ont unifié leur méthode mais chacun a sa propre cave et exprime la nuance subtile de son terroir.” Le syndicat veille d’ailleurs à la qualité de la production.

En plus des contrôles effectués par la chambre d’agriculture, il a créé sa propre commission chargée de valider la conformité de l’appellation. Tous les producteurs se réunissent pour goûter à l’aveugle le vin de chacun. “Cette année, tous ont été retenus… mais l’an dernier, nous en avions refusé trois.”

La spécificité du vin paillé tient à sa méthode d’élaboration. Dans le temps, les raisins récoltés étaient disposés à même le sol, sur de la paille, d’où son nom. Aujourd’hui, les grappes toujours récoltées à la main, sont déposées sur des claies et mis à sécher dans des locaux aérés.

Lors de ce “passerillage”, les raisins perdent leur eau et se concentrent en sucre et en arômes. Ils sont ainsi laissés séchés pendant trois ou quatre mois, avant d’être pressés à l’approche de Noël, puis élevés pendant deux ans minimum avant d’être mis en bouteille. C’est donc le millésime 2006 qui vient d’arriver sur le marché.

Cette méthode traditionnelle de fabrication donne au vin son caractère unique en son genre. Ce qui explique aussi sa rareté. “Le rendement à l’hectare est moins élevé qu’un vin classique, de l’ordre de 10 hectolitres à l’hectare. C’est un vin techniquement cher à produire. Aucun producteur ne peut en faire son unique activité.” Ce qui explique aussi son prix: entre 18 et 25 euros a bouteille de 50cl. Les producteurs souhaitent pouvoir maintenir cette fourchette de prix. Il s’agit donc d’un vin de niche. Le syndicat estime d’ailleurs que la production est arrivée à son palier. “Petit à petit, nous avons réussi à percer”, confirme avec satisfaction Jean Magne. “Aujourd’hui, nous produisons prés de 50.000 bouteilles que nous vendons à la propriété ou sur les marchés de la région.”

Ce vin paillé de Corrèze est surtout acheté par les touristes. C’est aussi, pour les Corréziens du Sud, une façon originale de faire découvrir leur terroir. “Beaucoup de gens, même à Brive, ignorent encore que nous produisons du vin paillé”, s’étonne toujours le président du Syndicat viticole. “On connaît la Corrèze pour ses cèpes, mais pas pour ses ceps de vignes”, s’amuse le viticulteur passionné, tout heureux de faire découvrir les subtilités de ce nouveau millésime. A l’en croire, l’histoire veut même qu’en des temps reculés, “St-Eloi, descendant de Limoges à Rocamadour, se soit arrêté à Beaulieu. Il est tombé sous le charme de ce vin paillé et en a ramené au bon roi Dagobert qui en a mis sa culotte à l’envers.” Ça ne s’invente pas. Morale de l’histoire: tout équilibré que soit ce vin paillé, il n’en reste pas moins à savourer avec modération.

Texte: Marie-Christine Malsoute

Photos: Sylvain Marchou

Marie Christine MALSOUTE

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