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Léon Bronchart: mémoire d'un juste

Plaque Leon Brochart1pano

Une plaque était inaugurée hier, sur un des piliers de la gare, côté parking sud. Elle porte le nom d’un cheminot qui, durant la seconde guerre mondiale, a eu le courage de dire non. Il fut d’ailleurs le seul. Léon Bronchart était conducteur de train à Brive. Résistant de la première heure, son nom est inscrit sur le mémorial des justes à Jérusalem. La Ville lui rend hommage.

Plaque Leon Brochart6Ouvrier dès l’âge de 11 ans, Léon Bronchart, né dans le Pas-de-Calais en 1896, est tout jeune lorsque la première guerre mondiale éclate. Il s’engage et ses faits d’armes, notamment dans les rangs de la Légion Etrangère, lui vaudront plusieurs citations et décorations comme la Médaille militaire, la Médaille des évadés et la Croix du combattant volontaire. A l’issue de la guerre, il intègre en 1919 la compagnie des chemins de fer d’Orléans. Il y fait carrière lorsqu’en 1939, le deuxième conflit mondial débute. Cette fois, il n’est plus mobilisable, mais l’homme qui a le patriotisme chevillé au corps, imprégné des idées chrétiennes de gauche, décide de s’engager tout de même.

Plaque Leon Brochart4Il est affecté comme sergent-chef à la 7e section des chemins de fer de campagne, à Beauvais. L’avancée des armées allemandes et un ordre de repli l’amènent à une retraite qui le conduit ensuite à Bordeaux. Après l’armistice, il est envoyé à Brive, au « dépôt vapeur de service rapide ». Il participe à la Résistance intérieure française, dans le réseau Combat, et rencontre à ce moment Edmond Michelet ou Martial Brigouleix. Fin 1942, il fournit des faux papiers à ses voisins juifs et facilite le passage en zone occupée italienne d’un de leurs amis en lui fournissant un uniforme de la SNCF.

“Au moment où l’Europe connaît des heures noires avec les attentats de Bruxelles” a souligné Frédéric Soulier, “nous devons continuer à lever la tête, à nous battre pour les valeurs qui sont les nôtres, et comme Léon Bronchart, ne pas se laisser aller à la résignation“. Il faut, selon le maire, “que notre mémoire collectivePlaque Leon Brochart3 n’oublie pas ceux qui ont combattu pour notre liberté”.

En 1942, le 31 octobre, Léon Bronchart se trouve en service à Montauban quand il s’aperçoit que l’on rajoute des wagons à son train, des wagons remplis de prisonniers politiques que les Allemands veulent déporter. Il refuse d’obéir. Un refus qu’il racontera dans un livre souvenir “Ouvrier et soldat”.

« Quand, en attendant ma mise en tête, j’assiste à l’évolution d’une rame que l’on ajoute au train que je dois emmener. Sur les marchepieds des éléments de la Police d’État gardent les portières, j’effectue ma mise en tête et je m’enquiers auprès du sous-chef de gare de la raison d’un tel service d’ordre et de sécurité. Il m’apprend que ce sont des internés politiques que l’on transfère d’Eysse à Saint-Pol-des-Jeaux. Aussitôt ma détermination est prise, je refuse d’emmener le train. Chef de gare, chef de dépôt, sous-chef de dépôt, inspecteur viennent au pied de la machine discuter avec moi : malgré les consePlaque Leon Brochart2ils, les objurgations, les sommations, les menaces, j’ai continué à refuser ; quand j’en ai eu assez, j’ai coupé moi-même la machine, et avancé auprès du mat. Rentré au dépôt, je me suis rendu au bureau du chef de dépôt, au sous-chef, j’ai dit : « Si vous voulez, faites venir un médecin pour qu’il puisse constater que je ne suis ni fou, ni ivre. »

Ce refus d’obéissance, unique parmi les cheminots français, lui vaudra un simple avertissement disciplinaire, eu égards à son passé militaire et à ses décorations. Mais, ses actes de résistance lui coûteront plus cher. Le 29 janvier 1943, il est arrêté à son domicile par les Allemands, ainsi que son fils aîné, 20 ans cette année-là. Tous deux sont interrogés et battus, puis internés au camp de Royallieu à Compiègne. Ils sont ensuite déportés, toujours ensemble, passant à Oranienburg, en mai 1943 ils sont transférés à Falkensee, son fils reste là. Quant à Léon Bronchart, il part à Buchenwald et sera envoyé à Dora où il sera affecté au kommando des électriciens. Même prisonnier, ce résistant dans l’âme continue ses actions. Début 1944, avec d’autres internés français, il parvient à effectuer des sabotages, après qu’ils aient compris que le camp fabrique des armes, les fameuses fusées V2.p025zmww

Léon Bronchart, comme son fils, survivront. Il réintègre à la libération la SNCF. Mais son état de santé de grand invalide à la suite des privations et des sévices subis ne lui permet plus de conduire une locomotive. Après avoir passé avec succès le concours de chef de réserve, il demande deux ans plus tard sa mise à la retraite et achève son activité professionnelle en août 1947. Il décède en 1986.

Commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur, décoré de la Médaille de la résistance et de la Croix de guerre avec palme, ce grand combattant et résistant s’éteindra en 1986. Le titre de Juste parmi les nations lui a été décerné en 1994. Selon le mémorial de Yad Vashem de Jérusalem, où figure son nom, Léon Bronchart est le seul cheminot français qui ait refusé de conduire un train de prisonniers.

 

Patrick MENEYROL

Patrick MENEYROL

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