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Léon Laval, l’homme aux pierres sèches

Léon Laval, bâtisseur de cabanes

Il a 90 ans. Plutôt 90 printemps, tant, malgré l’âge, l’homme arpente avec vivacité les terres familiales. Dans sa prime jeunesse, Léon Laval a d’abord été maçon, avec passion. Puis trop vite, il est devenu fermier à Murel, otage de cette terre au dur labeur… Il y a quatorze ans. En guise de passe-temps, il a entrepris de faire revivre ces cabanes en pierres sèches qui peuplaient auparavant le Causse. Il en a restauré ou même construit une soixantaine et à lui seul en possède 22. Portrait de ce bâtisseur, sur les traces d’un patrimoine oublié.

Léon Laval confectionne un panier avec de la paille et des roncesLes mains burinées sont occupées à tordre la paille autour d’une ronce verte. Dans la grange qu’il a lui même construite, Léon Laval confectionne un des ses paniers dont il a encore le secret. Le geste est sur, façonné par l’expérience. “J’ai appris en regardant faire mon père. Ça m’amuse. Le plus dur, c’est d’amorcer le départ, ça tourne sec.” L’hiver, à la morte saison, le nonagénaire fait ses paniers sur un fond de télé, comme d’autres feraient du crochet, pour passer le temps et occuper les mains.

Léon Laval est de ces générations taiseuses, dures à l’effort, âpres à tout. D’un pas encore vif, il fait la visite de ses cabanes en pierres sèches. Il en a 22 réparties sur les terres familiales. “Je risque pas de me mouiller quand je vois venir l’orage.” C’est cette raison qui, bien avant lui, a poussé nos ancêtres paysans à devenir modestes bâtisseurs: avoir un abri temporaire face aux éléments. “Ils partaient dans les champs pour la journée. A l’époque, il n’ y avait ni vélo ni voiture pour rentrer rapidement.” Alors, nos aïeuls entassaient des pierres récupérées dans le champ pour les dresser en un jeu d’équilibre et des formes les plus diverses. Des abris au maximum à hauteur d’homme, avec juste une ouverture, sans porte, pour garder la fraîcheur en été et se garder du vent en hiver. A l’intérieur, une pierre encastrée horizontalement en guise de siège. “Et sans utiliser de mortier.”

Léon Laval devant une de ses 22 cabanes

Avec le temps et surtout les intempéries, ces “chabanas” délaissées ont fini par s’affaisser et devenir ruines. Jusqu’à ce que Léon Laval, tiraillé par son ancien métier de maçon, décide d’en redresser quelques unes sur la commune de Chasteaux, avec deux professeurs de Larche passionnés par ces vieilles pierres. En 14 ans, ils en ont restauré ou bâti une soixantaine. “Sans compter les miennes”, rectifie Léon. A lui tout seul, il offre un véritable catalogue: ses cabanes sont de toutes formes, adossées à un muret ou intégrées à même la muraille, des niches d’à peine une personne, des carrées, des allongées… “Ronde et pointue, on l’appelle borie”, lance-t-il fièrement devant celle qu’il a construite à côté de sa ferme. Mêmes ses pintades ont droit à la leur.

Les cabanes de LéonL’utilité de ses cabanes? La réponse ne se fait pas attendre: “Elle servent à la beauté“, réplique-t-il avec évidence. Sur les plus récentes, Léon Laval s’est mis à graver la date d’achèvement: 1985, 1987, 1990… “La dernière que j’ai construite, c’était en 2007.” Il avait alors 88 ans. “Moi, je vais passer bientôt un siècle, mais certaines de ces cabanes ont pas loin de 300 ans”, mesure le fermier. A côté de la ferme, trône une mini-cabane. “J’ai fait une maquette qui a été exposée deux fois à Paris, à l’Unesco et à la Maison du Limousin. Et une petite cabane qui sert de crèche dans l’église de Chartrier.” Pour son engagement désintéressé, Léon Laval a eu droit au honneur de la presse et a eu droit à un passage dans la série télé Va savoir avec Gérard Klein. “Un jour, on m’a appelé de Suisse pour me demander des conseils sur la construction des cabanes”, s’étonne encore l’ancien.

Le secret de cette vitalité? “Il ne faut pas s’arrêter. Je me lève avec le soleil. Dans une ferme, il y a toujours quelque chose à faire, s’occuper des bêtes, les semailles, les labours… Il faut faire marcher les muscles.” Sans oublier le petit verre de vin qui accompagne le repas. “Pas plus.” L’âge aidant, Léon Laval se réfugie silencieusement dans ses souvenirs.

Léon Laval... et son chat

“Je me plais à remuer une pierre”, finit par avouer l’ancien maçon, brisant le silence qui s’égrène. “J’ai encore le métier dans les doigts. J’aimais ce travail. Le matin, je retrouvais les collègues, il y avait le contact avec le client, on était jeune…” Son regard balaye ses champs. “Comme cultivateur, je vaux zéro. Je le suis devenu par mariage et nécessité.” Pas de retraite pour Léon Laval qui aide sa belle-fille veuve à tenir la ferme. Un huis-clos routinier. “J’aime bien travailler la terre, mais j’aime pas ce métier. On est seul.” Alors, souvent, le dimanche après-midi, Léon prend sa voiture. “Je vais voir où j’ai passé ma jeunesse. Et je ne m’y retrouve pas. Ça a bien changé.”

Léon Laval tresse

Sur la propriété

Léon Laval avec son chien

Léon Laval fait le tour des cabanes

Léon Laval

Léon Laval entre bois et vignes

Léon Laval

Marie Christine MALSOUTE

Marie Christine MALSOUTE

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