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Les lycéens rendent justice sans fausses notes

Les lycéens de Cabanis mènent l'audience

Hier matin, dans la salle d’audience du tribunal de Brive, se sont jouées deux audiences portant sur des délits routiers. Jusque-là rien que de très classique. Sauf que dans le box des prévenus comme sous les robes des avocats, des élèves de seconde du lycée Cabanis ont remplacé les professionnels exerçant d’ordinaire. Derrière le jeu théâtral, l’enjeu fondamental: celui de les sensibiliser à la sécurité routière en levant le voile sur les arcanes du monde judiciaire.

derniers conseilsComment sensibiliser des jeunes qui passeront leur permis de conduire dans moins de deux ans à la prévention routière ? Partant du principe que l’union fait la force et que les beaux discours restent souvent lettre morte, le lycée Cabanis, le tribunal de Brive, le Conseil départemental d’accès au droit de la Corrèze (CDAD) et la Sécurité routière ont décidé de s’associer dans un même projet. Ce partenariat s’est concrétisé hier matin par la simulation de deux audiences correctionnelles menées in situ au TGI de Brive par une classe de secondes de Cabanis. Pour la CPE du lycée, il n’y a pas de secret: “Il faut rendre les élèves acteurs des projets. Cela donne du sens à la démarche.”

Acteurs, les élèves l’ont été au sens propre comme au sens figuré, depuis l’élaboration des deux scénarios de délits routiers jusqu’à la mise en scène des audiences qu’a supervisée Cédric Laroche de la compagnie du Paradoxe. Entre les deux phases de ce projet initié en octobre, “la rencontre avec des professionnels: pompiers, policiers, magistrats, avocats et greffiers”, détaille l’enseignante de français Nathalie Marchou . “Ils auront même pu assister à une audience.”

L’occasion pour eux de faire évoluer la vision qu’ils avaient jusque-là de la justice. “Elle est très américanisée”, confirme Céline Selves, juriste du CDAD qui agit en faveur de l’accès aux droits de tous les Corréziens. “En France, en réalité, les avocats ne font pas d’objections à tout bout de champ, ne se coupent pas la parole et le président ne dégaine pas à tour de bras son maillet pour demander le silence. Les magistrats n’ont pas de perruque non plus. Ils ont des robes par contre. Robes qu’auront pu revêtir les élèves: “J’ai l’impression d’avoir des ailes”, confiait en l’essayant Johanna à l’enseignante. “Justement, utilise l’amplitude de ces manches pour appuyer ton discours”, lui avait-elle rappelé, en forme de dernier conseil avant l’ouverture de l’audience.

Dura lex sed lex énonce la locution latine. Pourtant, les élèves ont découvert une justice moins froide que ce qu’ils imaginaient. “Je pensais qu’elle s’intéressait moins aux personnes et plus aux faits”, a confié après l’audience Clément qui jouait le rôle d’avocat de la partie civile. De fait, les personnalités des prévenus ont été scrutées. Celle de Yannick Valade par exemple, accusé d’avoir commis un homicide involontaire à la suite d’un accident de la route occasionné alors qu’il était sous l’empire d’un état alcoolique.  “Son casier judiciaire est vierge et c’est un jeune qui travaille pour financer lui-même ses brillantes études”, expose maître Thomas pour permettre au tribunal d’appliquer une juste peine à son client.

Céline Selves du CDAD conseille les lycéensTout le mécanisme judiciaire, avec son cérémonial et sa chronologie millimétrée, s’est déroulé sans fausses notes, les interlocuteurs  appuyant à plusieurs reprises sur les dangers de la route: “Un véhicule, c’est aussi une arme”, a ainsi souvent rappelé le procureur dans ses réquisitions. Dernière étape des audiences: la sortie du président et de ses assesseurs pour délibérer. “C’est long”, s’impatientent dans la salle les élèves de Danton. C’est qu’en coulisse, les lycéens délibèrent vraiment, accompagnés en cela d’un magistrat.

“Ils se sont surpassés”, ont commenté après coup Michelle Coelho et Nathalie Marchou. “Ce projet nous a aussi permis de travailler sur l’argumentation, inscrite au programme et la prise de parole orale”, a souligné l’enseignante. Le fruit de ce travail au long cours ventilera par-delà le TGI de Brive grâce au film de ces audiences qui va parcourir les établissements du département pour diffuser ce message de sécurité routière incarné par des jeunes pour des jeunes.

Jennifer BRESSAN

Jennifer BRESSAN

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