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Vassilis Alexakis, un bonheur d’écrivain menteur !

La soirée Paris-Athènes, organisée hier soir au théâtre, dans le cadre de la 31e Foire du livre, a levé le voile sur un écrivain à la fois tendre et drôle: Vassilis Alexakis, prix de la langue française, qui a emporté les quelque 200 spectateurs dans un voyage captivant et souriant entre réel et imaginaire.

“Vous n’avez pas eu l’occasion de me poser de questions. Mais j’aimerais quand même répondre à celle qu’on me pose tout le temps mais qui n’est pourtant pas très intéressante (rires dans la salle), celle du caractère autobiographique de mon travail. Souvent, je ne me souviens plus si j’ai vécu ou imaginé certaines choses. Il en va ainsi d’une scène prenant pour cadre un quai en Grèce. Un homme porte sur sa tête une porte très lourde et croise quelqu’un que, visiblement, il connaît bien. Je n’en sais rien, je suis moi-même à quelques encablures de là. La discussion s’engage mais la porte est lourde alors l’homme la pose à terre, entre eux deux. Et comme sur la plupart des portes grecques, il est une minuscule fenêtre. L’homme l’ouvre alors pour finir la conversation. Et je vois cela, dans ce quai désert et immense: ces deux hommes, discutant à travers cette minuscule fenêtre.” Scène cocasse s’il en est! “Je vous laisse décider si je l’ai vécue ou non!”

C’est par cette anecdote rigolote et perdue dans l’entre-deux du réel et de l’imaginaire, aire propre à l’écrivain, que s’est terminée la soirée d’hier soir au théâtre, qui a réunie Laure Adler et Jean-Noël Pancrazi pour nourrir la discussion avec Vassilis Alexakis, prix de la langue française. Des morceaux de musique grecque interprétés par Varvara Gyra ainsi que des lectures de l’œuvre du lauréat, mises en voix par Céline Samie et Benjamin Jungers, de la Comédie-Française, ont ponctué cette soirée riche, passionnante, amusante.

“C’est extrêmement narcissique de s’entendre lire si magnifiquement ses propres textes. C’est embarrassant, j’aurais préféré être dans la salle!”, s’est presque excusé en début de soirée l’écrivain. Humble et discret, Vassilis Alexakis s’est pourtant livré avec bonheur. “J’ai passé plus de temps dans ma vie à inventer des histoires qu’à la vivre. Pour vous dire la vérité, je trouve la vie relativement peu intéressante. Seules les histoires inventées le sont. Enfant, j’admirais tant les histoires qu’on me racontait que je m’étais promis de devenir un grand menteur. Je m’appliquais à mentir. Je crois d’ailleurs que j’étais très doué!”

Raconter des histoires, les imaginer, s’y perdre, y croire, là est sa passion: “Quand je commence un livre, je ne sais pas bien où je vais. Par contre, ce que je sais nécessaire, c’est d’avoir deux thèmes. Il ne suffit pas d’être en deuil, de vivre un chagrin d’amour pour écrire un livre. Bien des romans pourraient être remplacés par un coup de téléphone interminable! Grâce à ces deux thèmes, j’ai l’impression de fabriquer un radeau solide pour voyager, alors je peux prendre le large vers une île, un continent ou rien du tout. J’écris pour connaître la fin de l’histoire.”

“Si je la connaissais déjà, ce serait bien moins intéressant.” D’où la difficulté de la traduction pour l’auteur. Car Vassilis Alexakis, d’origine grecque, écrit dans sa langue maternelle aussi bien qu’en français, et, chose rare, traduit lui-même ses ouvrages d’une langue à l’autre. “Se traduire soi-même est un exercice qui rend modeste. On se rend mieux compte des faiblesses. Je plains les traducteurs. Ça doit être atroce! Traduire Hugo, s’apercevoir qu’il faut couper une cinquantaine de pages et ne pas pouvoir le faire… Moi, je peux en supprimer des miennes, ce qui fait que le texte traduit est toujours plus court que l’original!”

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Jennifer BRESSAN

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