La Maison heureuse a fêté ses 40 ans lors d’une cérémonie qui s’est tenue aujourd’hui, mais sa genèse remonte à la fin des années 1960. Trente-trois personnes y séjournent, soit en tant qu’externes au sein du foyer de jour, soit en tant qu’internes. Retour sur l’histoire de cette institution briviste et de sa créatrice Madeleine Maubrun.
La Maison heureuse, véritable institution briviste, est un foyer de vie, constitué sous la forme associative, qui accueille des adultes en situation de handicap ayant une certaine autonomie pour leur proposer des animations et activités en fonction de leur handicap. Si c’est le foyer, officiellement créé en 1984, qui fête ses quarante ans, sa genèse remonte bien plus loin. « Si nous existons, c’est grâce à une personne », assure Daniel Perrier, le président de l’association qui chapeaute la Maison heureuse.
Madeleine Maubrun précurseuse de l’inclusion
C’est en 1968 que Madeleine Maubrun, jardinière d’enfants (terme désuet mais ô combien magnifique) à Notre-Dame, accepte d’accueillir chez elle, dans son garage, des enfants en situation de handicap qui n’étaient acceptés nulle part. « A l’époque, ces enfants étaient cachés, restaient à la maison chez leurs parents ou étaient envoyés dans des centres », rappelle Daniel Perrier. Or certaines familles veulent rompre avec ce fatalisme et « inventer quelque chose de familial. »
L’école Madeleine Maubrun est créée officiellement en 1973, non sans mal, avec l’appui de ces quelques familles brivistes et compte quatre élèves. « Il a fallu beaucoup de persévérance et se battre », affirme Daniel Perrier. La ligne directrice, la philosophie de l’établissement, est l’inclusion et l’autonomie. « Le véritable drame de l’handicapé, ce n’est pas d’être infirme, mais c’est d’être inutile », disait Madeleine Maubrun. Sa vocation, c’était l’éducation ». Pour cela Madeleine Maubrun apprend à ces enfants dont les handicaps sont très différents (trisomie, autisme…) à compter, à lire, à utiliser les transports en commun… Le succès de la méthode trouve rapidement écho à Brive et au-delà, les enfants affluent, confiés par leur famille à cette dame providentielle. Le garage de Madeleine Maubrun devient trop exigu, il faut déménager. L’école Maubrun emménage rue Louis-Mie à Brive, artère qui se situe derrière la piscine municipale. En 1975, nouveau déménagement, l’école, dotée d’une équipe dynamique et compétente, qui reçoit toujours plus d’élèves, s’installe avenue Raymond-Poincaré dans le quartier de la Poste. « Être en cœur de ville était aussi une volonté de Madeleine Maubrun car les enfants pouvaient bénéficier de toutes les commodités, notamment les cinémas, la piscine… Elle a en quelque sorte inventé l’inclusion. Elle a toujours voulu que ces enfants participent à des activités avec des gens dits normaux. Elle aimait vraiment ces gosses ! »
« Le véritable drame de l’handicapé ce n’est pas d’être infirme mais c’est d’être inutile »
Si l’école s’agrandit, ses élèves, qui y sont entrés assez jeunes, vieillissent et s’approchent de la majorité. L’école est confrontée à un problème. « Il n’y a pas de structure pour les accueillir et nous voulions qu’ils restent ensemble. Ils avaient grandi ensemble. »
Ainsi, au début des années 1980, les parents, toujours impliqués dans la vie de l’école et de leurs enfants, fondent l’Association des parents et amis de la Maison heureuse du Pays de Brive (APAMHPB). Cette association permet la création en 1984 du foyer de jour « occupationnel » dit « La Maison heureuse du Pays de Brive ». L’aventure débutée en 1968 peut se poursuivre avec ces élèves devenus grands. Ecole et foyer coexistent et cohabitent dans un nouveau local situé rue Dumyrat à l’hôtel du parc. Petit à petit, la Maison heureuse évolue, toujours en quelque sorte parallèlement à la vie de ses désormais résidents. « L’ouverture de ce foyer est soumise à la condition que l’école Maubrun n’accepte plus d’enfants. » En décembre 1989, l’école ferme donc définitivement ses portes « lorsque le dernier élève a atteint 16 ans. » Il ne pouvait plus y avoir une école et un foyer. « L’agrément accordé pour 33 résidents au sein du foyer empêchait désormais les élèves de l’école de basculer ensuite vers le foyer… »
Entre-temps, en 1988, a été créé un foyer d’hébergement de semaine qui constitue la première étape d’une séparation avec la famille. Puis en 1994 est fondé un foyer d’hébergement permanent pour pallier à la disparition, l’incapacité ou à la désunion de la cellule familiale. En 1998, les trois foyers sont regroupés sur le même site, là où la Maison heureuse est installée aujourd’hui, au 11 bis rue Dumyrat, à quelques pas de l’hôtel du parc.
Aujourd’hui encore, la philosophie souhaitée par Madelaine Maubrun et les familles est conservée mais les temps ont changé, le public aussi.
En 1997, Madeleine Maubrun est faite chevalier de l’Ordre national du mérite. Elle décède le 26 septembre 2000.
La Maison heureuse confrontée au vieillissement de ses résidents
Le public reçu à la Maison heureuse a évolué au cours des années. Ce ne sont plus des enfants qui sont accueillis mais des résidents très différents, plus âgés et plus ou moins autonomes. De plus, ce foyer de vie est confronté au vieillissement de sa population. Quatre résidents de la Maison heureuse vont être pris en charge par l’Ehpad de Cornil.
Bien entendu le public n’est plus le même que celui de l’époque de l’école Maubrun. « Tout d’abord, ce ne sont plus des enfants. On a des jeunes qui arrivent qui ont entre 20 et 25 ans qui sortent d’IME (institut médico-éducatif) pour la grande majorité, certains qui sont entre l’IME et le domicile, d’autres ont été scolarisés jusqu’au CM 2 avec un accompagnement par des AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap), il y a des personnes qui reviennent d’ESAT (établissements ou services d’aide par le travail) car plus assez productives… C’est un foyer de vie très hétéroclite avec des handicaps variés, des niveaux variés », explique Lucie Deladerrière, la directrice, directrice de la Maison heureuse.
L’année 2023 a été terrible pour la Maison heureuse car des résidents de la première heure sont décédés. Le foyer s’est retrouvé confronté à la maladie et au vieillissement.
« C’est sans doute le principal enjeu actuel et des prochaines années », souligne Lucie Deladerrière. En effet, les résidents vieillissent et pour certains, la Maison heureuse « n’est plus adaptée. Nous ne sommes plus dans notre cœur de métier d’éducatif, malheureusement. » Avec le soutien du Département, quatre résidents âgés nécessitant des soins trop importants vont donc partir vers l’Ehpad de Cornil. C’est une solution que la Maison heureuse souhaite pérenne. « Nous sommes là pour accompagner les résidents et leurs familles dans cette démarche. »
« Nous avons plus de 18 résidents qui ont plus de cinquante ans », souligne Lucie Deladerrière, ce qui peut paraitre jeune, mais le handicap accélère le vieillissement et la dépendance. « Ceux qui partent en Ehpad ont environ cet âge-là… »
La Maison heureuse s’apprête une nouvelle fois à évoluer. Nul doute que, comme par le passé, elle franchira le cap.
Dévoilement de la plaque en hommage à Madeleine Maubrun |
Avant de dévoiler la plaque en hommage à Madeleine Maubrun au côté de Daniel Pigeon, président historique de la Maison heureuse, Frédéric Soulier, maire de Brive, s’est exprimé lors d’une cérémonie émouvante dans les jardins du foyer, pour ce 40e anniversaire. Il s’est dit tout d’abord « très touché » puisqu’il était déjà présent lors du 20e anniversaire et a souhaité que cette Maison heureuse vive « ad vitam ».
« C’est une histoire fabuleuse. Pour Brive c’est un exemple que nous aimons et dont nous aimons parler. Soulignant l’engagement de tous pour tendre vers cette « ordinairalité de la vie », cette inclusion « qui fait sens dans un société qui parfois est en perte de sens. » L’inclusion est d’ailleurs à Brive un sujet pris à cœur par la municipalité qui, par le dispositif du Pacte Handi Gaillard, contribue à ce que des personnes souffrant d’un handicap puissent intégrer le monde du travail. |
