La Foire du livre de Brive réserve de ces moments rares, comme suspendus. Telle cette lecture musicale hier soir au théâtre avec Gaël Faye, Prix Renaudot, accompagné du guitariste Samuel Kamanzi. Son Jacaranda, arbre emblématique et titre du roman, raconte l’histoire du Rwanda. Son histoire. Pour percer les silences d’un pays dévasté par le génocide des Tutsi. Parler aussi de l’après et de la vie qu’il faut reconstruire. D’espoir.
À l’extérieur du théâtre, bien avant l’heure, une queue impressionnante, la jauge du théâtre n’y a pas suffi. À l’intérieur, en préambule sur scène, un Jérôme Garcin, président de la Foire, tout heureux de présenter ce choix de programmation. « Il nous fait un sacré cadeau. Pas besoin de vous souhaiter une bonne soirée. » Un tonnerre d’applaudissements pour l’entrée des deux protagonistes. Quelques mots d’introduction. « Jacaranda, un mot préféré que j’aime depuis l’enfance qui sonne comme « Jacques a dit ». Il y manque un W pour entendre Rwanda. » Et la lecture qui chante déjà commence sous quelques accords.
« Le Rwanda est arrivé dans ma vie par la télévision, que nous regardions religieusement à l’heure du dîner. La première fois que le présentateur en avait parlé, je m’étais tourné instinctivement vers ma mère, tout excité, presque content qu’il soit enfin question de son pays natal au journal télévisé. Mais elle n’avait pas réagi, complètement absorbée par les images qui défilaient à l’écran… »
C’est ainsi que, des années plus tard, Milan se souvient avoir entendu parler pour la première fois du Rwanda, un soir du printemps 1994, aux premiers jours du génocide qui allait voir, en trois mois, l’assassinat d’un million de personnes, dans l’immense majorité des Tutsis. Ce Milan, cela aurait pu être Gaël Faye qui emporte son récit à travers quatre générations. Sans « divulgacher l’histoire », il lit quelques passages du roman, se met dans la tête d’un gamin pour raconter avec la plus grande douceur les pires horreurs de son pays d’origine.
La dureté des mots pour décrire l’horreur, la beauté du texte et la douceur des deux voix mêlant détresse et espoir. Et le silence du public suspendu à l’après. L’après, c’est cette reconstruction dans laquelle victimes et bourreaux apprennent à vivre ensemble. Le pardon des survivants pour pouvoir vivre en paix. Pardonner? Peut- être. Oublier jamais. « Ce n’est pas la violence des génocidaires qui est indicible, mais la force des survivants. » Comme cette chanson finale Chalouper reprise en choeur avec le public.