« Que serait une littérature qui ne reflète pas la vie de son auteur? », interroge le Prix de la langue française. Philippe Forest raconte son rapport à l’écriture: »une manière de s’approprier le monde« . Sa façon aussi de « vivre dans la fatalité de la perte« .
Ce prix vient récompenser une « œuvre qui a contribué de façon importante à illustrer la qualité et la beauté de la langue française ». Romancier, essayiste, biographe (il est aujourd’hui reconnu comme le meilleur spécialiste français d’Aragon, il est également l’auteur d’une thèse sur Sollers, a écrit sur Rimbaud, s’est inspiré d’un voyage au Japon et de Sôseki…), Philippe Forest n’en revient toujours pas d’avoir été honoré d’un intitulé si prestigieux – « Je suis un auteur reconnu sinon connu » -, d’autant plus après avoir soigneusement compulsé le palmarès de ses prédécesseurs: « des écrivains de premier plan ».
Lunettes rehaussées sur le crane, il s’en excuserait presque: « Je n’ai pas le culte de la langue en tant que telle, il est indispensable qu’elle fasse entendre une musique ». Mais il ne va pas longtemps boudé son plaisir et préfère expliquer, citant souvent Proust, un des auteurs favoris, sa perception du style: « davantage une histoire de vision que de technique », « une manière de s’approprier la langue » et donc de « s’ouvrir au monde« , de s’accommoder aussi à la marche du temps.
Ainsi serait-il devenu écrivain: « Je suis plutôt quelqu’un de curieux avec l’envie de comprendre, d’apprendre et de fil en aiguille, sans avoir prévu, je suis devenu universitaire », puis auteur. Sans qu’il se sente pour autant intégré au monde universitaire ou littéraire.
Lui porte sa propre identité, construite sur une intolérable rupture, la disparition il y a 20 ans de sa fille décédée jeune d’un cancer: « une expérience brutale, dévastatrice ». Ne lui parlez pas de « faire son deuil » qui supposerait qu’on puisse guérir de la perte en réinvestissant son désir. « Il n’y a pas d’interchangeabilité. Il y a quelque chose d’essentiellement singulier dans chaque être humain. » Depuis, Philippe Forest approfondit ce thème de l’absence et du deuil. Crue, son dernier roman, coule dans cette même veine.
Il ne s’agit pas d’une thérapie mais d’une manière de se colleter avec le réel et de le dépasser. « La vie est faite de pertes, chacune réactive l’ancienne et le passé est une réinvention constante. » Si Philippe Forest devait revendiquer une approche, ce serait bien celle d’une « littérature pensée sur l’expérience du vrai ». « Toute fiction est autobiographique et toute autobiographie est aussi fictionnelle. Ce qui m’intéresse, c’est ce vase communicant entre les deux, une sorte de mouvement. »
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